Appel au régulateur : "Les réseaux sociaux ne doivent pas être une boîte noire pour les chercheurs"
Les “très grandes plateformes en ligne” ferment peu à peu les accès aux données des conversations publiques de leurs utilisateurs, causant une cécité collective sur des espaces essentiels du dialogue citoyen, et s’accordant ainsi le monopole de leur analyse. Le monde académique est privé d’un outil crucial d'étude de la société, qui s’appauvrit de cette absence de mémoire commune. Le régulateur s’est emparé du sujet, via le Digital Services Act (DSA) européen, mais il devra aller plus loin, tant en extension (seules les plus grandes plateformes sont visées) qu’en intensité. Les géants du numérique seraient quant à eux bien inspirés de répondre à cet enjeu démocratique fondamental.
Les réseaux sociaux sont de plus en plus opaques. Twitter a entrepris de fermer entièrement l’accès à ses données pour les chercheurs académiques et de monnayer l’utilisation de ses bases à des tarifs prohibitifs (plus de 40 000 $ par mois). Les flux conversationnels ne seraient de facto accessibles qu’aux entreprises technologiques qui “écoutent” le web pour pousser de la publicité et prédire les tendances marketing. De surcroît, le réseau d’Elon Musk vient d’annoncer qu’il quitte le code européen de bonnes pratiques contre la désinformation en ligne, exacerbant les tensions avec le régulateur. Meta va prochainement fermer l’outil CrowdTangle, unique point d’accès fourni jusqu’ici pour mener des recherches sur Facebook et Instagram.
D’autres plateformes traditionnellement ouvertes comme Reddit s’apprêtent également à restreindre les accès, quand certains acteurs majeurs ont toujours été fermés : malgré l’essor de LinkedIn comme réseau conversationnel, le site professionnel reste très verrouillé, tout comme TikTok ou Twitch. Enfin, les boîtes noires que sont les moteurs de recherche, Google ou Bing, suscitent de nouvelles interrogations dans le contexte du déploiement rapide des IA génératives pour rédiger leurs réponses aux requêtes des internautes.
Les conversations sur les médias sociaux, et toutes les traces publiques laissées en ligne par leurs usagers, forment des expressions démocratiques d’une grande vivacité qui ne sauraient être cachées à la recherche. Dans un monde “post-internet”...
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Signataires
Céline Braconnier (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Cesdip, CY Université)
Zack Brisson (Counterpoint)
Guillaume Cabanac (Université Toulouse 3)
Frédéric Clavert (Université du Luxembourg)
Jean-Philippe Cointet (médialab - Sciences Po Paris)
Lucien De Brot (meteco)
Rémi Douine (R&D Labs)
Jean-Yves Dormagen (Université de Montpellier I)
Mélanie Dulong de Rosnay (Centre Internet et Société - CNRS)
Renaud Epstein (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Cesdip, CY Université)
Marc Faddoul (AI Forensics)
Fabio Giglietto (Università di Urbino Carlo Bo, Italie)
Joël Gombin (datactivist)
Pierre-Carl Langlais (opsci)
Florent Lefebvre (Flefgraph)
Axelle Lemaire (ancienne ministre en charge du numérique et de l’innovation)
Francesca Musiani (Centre Internet et Société - CNRS)
Giada Marino (Università di Urbino Carlo Bo, Italie)
Olivier Mauco (game in society)
Asma Mhalla (EHESS/CNRS, Columbia Global Centers, Sciences Po, École Polytechnique)
Carl Miller (Centre for the Analysis of Social Media - Demos)
Christian Morgner (University of Sheffield)
Valerio Motta (Nemo Claudit)
Rozenn Nardin (ex SIG)
Justin Poncet (opsci)
Christophe Prieur (Université Gustave-Eiffel)
Simon Reid-Henry (Queen Mary University of London)
Jordan Ricker (opsci)
Miklós Sebők (Centre for Social Sciences - Hongrie)
Eszter Török (Centre for Social Sciences - Hongrie)
Albin Wagener (Université Rennes 2, Inalco)